Éditorial 2024

Accorder, s’accorder…

En 1649-1650, le peintre français Laurent de la Hyre imagine une série d’allégories des arts libéraux. La Musique qu’il peint alors est l’une de ses plus émouvantes réussites.

La lumière est douce, sous les arcades. Entre les colonnades, on aperçoit des feuillages et un coin de ciel. Un parc, sans doute, ou un beau jardin. On ne voit pas le soleil, mais on sent sa présence. Le peintre a choisi cette galerie ouverte, ni tout à fait dedans, ni tout à fait dehors, pour y placer le mystère musical. Ce premier indice, déjà, nous interroge et – inexplicablement – nous émeut.

Sous les voûtes, assise sur une chaise, la Musique prend la forme d’une jeune femme. Des rayons dorés caressent amoureusement la soie laiteuse de sa peau. Un demi-sourire éclaire son visage concentré. Un pan de tissu, fuyant, dévoile la rondeur d’un sein. Pourtant, la jeunesse, la beauté, le bonheur d’être au monde sont tempérés par les instruments muets, déposés pêle-mêle sur la table voisine – un luth, un violon, deux flûtes et des cahiers de partitions, près d’un petit orgue positif. La sourde mélancolie de cette nature morte, véritable peinture de vanité, nous étreint.

Allégorie de la Musique (Laurent de La Hyre, Metropolitan Museum)

L’instant balance, indéfiniment suspendu. Une tendre incertitude baigne la toile. Le chagrin ou la joie, le temps enfui ou les minutes à venir ? Au centre exact du tableau, l’angélique – ce grand instrument de la famille des luths, que la Musique enlace – a seule la clef de cette parade sauvage. C’est elle qui résout l’énigme de ces élans contraires. La musicienne, en effet, ne nous regarde pas. Toute son attention se porte sur les chevilles de l’instrument, qu’elle est occupée à accorder.

Car oui, l’essence première de la musique (nous dit le peintre) n’est pas la production de sons flattant l’oreille mais bien cette possibilité, exprimée en sa toile, de réconcilier les contraires. La musique pacifie, harmonise, répare, console. Au-dehors, elle relie l’humain au monde extérieur ; au-dedans, elle dompte la ménagerie de ses émotions. Elle est tout à la fois futile et essentielle. Universelle.

C’est à cette Musique-là (sous diverses facettes) qu’ont cru intellectuels et artistes jusqu’aux premières années du XVIIIe siècle. C’est cette Musique-là que les Riches Heures de Valère voudraient défendre et partager.

Une musique ancienne variée, sensuelle, lumineuse – pour nous (ré)accorder !

Belle saison 2024 !

pour le comité des Riches Heures de Valère / Marie Favre, musicologue

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